• Désertification

    A la demande de Corto qui exposait le souci de la désertification médicale et qui me demandait mon avis en me découvrant sur twitter (@leniddupoussin) et ne pouvant pas résumer en quelques mots la situation en l’espace d’un commentaire, j’ai donc décidé d’en faire un article.

    Suite au vieillissement de la population médicale libérale (moyenne d’âge 50-55ans) et en raison d’un numérus clausus trop longtemps bridé, la France perd peu à peu ses praticiens qui ne sont guère renouvelés, le phénomène étant particulièrement important dans nos campagnes reculées, et laissant la population dans le désarroi le plus profond. Pour augmenter le nombre de médecins, la solution consiste à ouvrir les vannes du numérus clausus afin d’augmenter le nombre de jeunes padawans formés au délice de la pratique médicale. Depuis que j’ai commencé mes études, il y a maintenant plus de 15 ans, cette limite a progressivement été augmentée. Mais il faut bien comprendre qu’il faut en moyenne 7 à 10 ans de formation, selon les spécialités, pour obtenir un médecin apte à s’installer. Donc même si ce numérus est franchement élargi, la France devra attendre une décennie avant de bénéficier d’une bulle d’oxygène. Seulement voilà, un problème majeur se pose à vouloir augmenter ainsi le nombre de postulants : la capacité d’accueil des facultés et surtout celle des centres hospitaliers universitaires où sont assurés la formation des externes (étudiants en médecine) et des internes (médecins en couts de spécialisation). Lorsqu’on comptait à mon « époque » 5 externes par service et 3 à 4 internes, maintenant ce sont une vingtaine d’étudiants que les services doivent absorber et former, les places des internes étant aussi limitées par un système de flux par spécialité même si ce dernier augmente chaque année. De plus il faut prendre en compte l’aspect financier…oui oui…car un interne c’est Bac+6 travaillant à temps plein à l’hôpital…faut donc pouvoir aligner les salaires et dans notre époque de restriction budgétaire les ARS voient d’un très mauvais œil la nécessité d’ouvrir plus de postes… Et plus le nombre de gens à former est important, moins la qualité de la formation est excellente. Les internes faisant mathématiquement moins de garde qu’avant et moins de gestes techniques et diagnostiques…et je peux vous assurer que je constate régulièrement la baisse de performance de mes jeunes padawans. De plus moins de garde, donc moins l’habitude de consacrer une partie de sa vie à assurer la continuité des soins la nuit, week-end et jours fériés…

    Recentrer la démographie médicale en agissant sur la répartition des nouvelles installations…très bien sur le papier mais comment fait-on dans la réalité ? En imposant aux nouvelles recrues de s’installer au fin fond du lot ou dans tout autre lieu où il manque de médecin ? Sur quels critères pourrait-on obliger cette installation forcée ? Oblige-t-on un boulanger, un plombier, un notaire, un avocat à s’installer à un endroit précis ?…ah oui j’avais oublié les professeurs des écoles…Pour info ce sont des fonctionnaires… C’est remettre en cause la notion de médecine libérale…et à moins d’étatiser la profession (comme c’est le cas au royaume uni et on voit le désastre des prises en charge…) je ne vois pas quelle est la solution idéale pour garantir à tous l‘accès au soin. Les voyages forment la jeunesse…certes mais quand tu approches de la trentaine, t’as aussi envie de construire ta vie sociale et privée…et donc de t’installer enfin après plusieurs années d’errance géographique. Pour exemple j’ai commencé mes études à Poitiers (mes parents vivent en Charente), puis je suis allé à Bordeaux avec une interruption pour aller à Bayonne puis à Paris pour enfin revenir sur Bordeaux…j’aurai pu effectivement répondre au sauvetage du désert médical en m’installant en pleine campagne ardéchoise…sauf que non vois-tu pourquoi irais-je ailleurs que là où ma vie m’appelle ? La qualité de la vie est un critère à prendre en compte avant de pouvoir imposer des solutions technocratiques…et je ne parle pas de l’aspect financier car ceci est un tout autre problème mais qui pèse également dans le choix d’une installation mais je n’entrerai pas pour le moment dans la polémique.

    Le débat reste ouvert….

    « Vidéo du WE...spéciale dédicace pour LoupParodie et plagiat : à armes égales »

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  • Commentaires

    1
    Mardi 11 Octobre 2011 à 12:44

    J'ai du mal à comprendre comment d'un côté la capacité d'accueil et de formation des centres hospitalier est à ce point saturée, et de l'autre le désert médical... Visiblement, le nombre de médecins en formation a très largement augmenté, le problème ne semble donc pas vraiment se situer au niveau du numerus clausus, mais plutôt en terme de répartition harmonieuse des "diplômés" sur le territoire.

    La solution, un début, du moins, a été évoquée lors des débats à la Primaire PS : non pas obliger les jeunes médecins à s'installer ici ou là, mais davantage empêcher les installations là où le surnombre est atteint. Définir un rapport nombre d'habitant/médecin/spécialiste et une fois ce rapport atteint ou dépassé (s'il l'est déjà de facto), dissuader fortement de nouvelles installation (par l'impôt, par ex.). Parallèlement, favoriser les zones démunies par des avantages (transport, logement gratuit, cabinet et/ou appareils financés, allègements fiscaux les 10 premières années, etc.)

    2
    Mardi 11 Octobre 2011 à 12:47

    Ooops : il faut lire évidemment "nouvelles installations"

    3
    Mardi 11 Octobre 2011 à 15:15

    Bravo Poussin, j ai tout compris et ça éclaire les manques ds mon billet.

    @deef que j ai , je crois le don d'enerver: n'est-ce pas sémantique ? empecher les installations là où il y  a surnombre n'est-ce pas rendre obligatoire l'installation ailleurs.

    Rappellons que lors du 3ème débat, Aubry et Montebourg ont bien parlé d'obliger les jeunes toubibs a aller s'installer là où il y a désert. Comment obliger ? c'est une autre histoire

     

    4
    Mardi 11 Octobre 2011 à 15:48

    @ Corto : si tu me cherches, tu vas me trouver... 

    5
    Le Poussin Profil de Le Poussin
    Mardi 11 Octobre 2011 à 16:00

    @ Deef : Qui forment les internes et les externes à L'hôpital ?...les médecins hospitaliers qui assurent également les soins aux patients. Quand tu as trois internes et quatre externes qui suivent la visite...ça va mais quand le troupeau atteint une vingtaine...le patient lui tire la gueule...et le nombre de médecin hospitalier n'a pas qaunt à lui augmenté...d'où une certaine saturation de l'accueil.


    Quant à bloquer les installations...bien sûr mais le risque est de voir alors un déconventionnement massif des médecins libéraux et  donc un véritable appel à la médecine à deux vitesses (qui exite déjà...)....que fera le patient qui content d'avoir enfin un médecin à proximioté de chez lui devra payer entièrement de sa poche ses frais médicaux ? 

    6
    Le Poussin Profil de Le Poussin
    Mardi 11 Octobre 2011 à 16:02

    @ Corto : Heureux de t'avoir clarifier certains points...et si tu as besoin d'une petite précision médicale n'hésites pas à me faire signe !

    7
    Le Poussin Profil de Le Poussin
    Mardi 11 Octobre 2011 à 16:02

    @ deef et Corto : oui j'aime les combats de gladiateur :)

    8
    Mercredi 12 Octobre 2011 à 12:33

    merci pour cet article qui éclaire bien la situation....=> @ Deef, quels que soient les avantages, qui a envie de s'installer dans un trou.... ?

    9
    Le Poussin Profil de Le Poussin
    Mercredi 12 Octobre 2011 à 19:57

    @ Francis : je devrais en faire plus souvent

    10
    Nachu
    Jeudi 13 Octobre 2011 à 10:08
    Nachu

    @ Francis :

    Qui a envie de s'installer dans un trou?

    Moi! 

    @ Poussin:

    Je crois que les pharmaciens sont astreints à un numérus clausus pour l'ouverture d'officines.Ne pourrait-on pas l'imaginer pour l'installation de nouveaux médecins?

    Dans mon coin,c'est un parcours du combatant pour trouver un ophtalmo,un dermato ou un dentiste qui accepte un nouveau patient.Il y a 2 ans,la presse locale annonçait qu'après en avoir été privé pendant un an,il y avait enfin 1 urologue à Cherbourg,ce qui obligeait les patient a aller à St-Lô (85km) ou à Caen (125km).

    11
    Le Poussin Profil de Le Poussin
    Jeudi 13 Octobre 2011 à 14:51

    @ nachu : Tu soulèves un autre débat...la répartition des officines...liée quant à elle aux décisions des pharmaciens eux-mêmes et de leur ordre pour garantir une certaine "performance commerciale"...

    C'est parce qu'effectivement il manque de praticiens que ceux déjà installés ne peuvent plus répondre à la demande et puis il y a aussi le choix de la spécialité puisque les jeunes se tournent plutôt vers des secteurs plus lucratifs et pour lesquels il n'existe pas de véritable urgence.

    12
    Mardi 18 Octobre 2011 à 21:52
    Minijupe

    Tiens, c'est vrai mon patron vient d'avoir 55 ans !!!

    Il y en a un qui est parti en retraite en début d'année, ça a été galère le temps que quelqu'un reprenne enfin son cabinet !!!

    13
    Le Poussin Profil de Le Poussin
    Mercredi 19 Octobre 2011 à 10:48

    @ Minijupe : et la galère ne fait que commencer...la génération baby boom est en plein déclin

    14
    Jeudi 20 Octobre 2011 à 00:18

    Honnêtement, du point de vue d'un "jeune padawan", il faut bien voir que quand j'aurai fini mon internat, j'aurai 27, ou 28 ans ; après avoir passé quelques années à déménager tous les 6 mois pour ma formation. Il me paraît donc évident que je chercherai à m'établir dans la "grosse" ville dont je dépendrai en tant qu'interne, histoire de me poser enfin avec le confort que peut apporter une grande cité. Parce que merde, finir vraiment sa formation à Bac+10, c'est quand même pas rien ; et y en aura marre d'avoir été baladé un peu partout. En médecine, on fait 6 ans dans une ville A ; puis on choisit une ville B pour son internat à laquelle sont rattachées tout plein de "petites" villes dans lesquelles on part travailler pendant des périodes de 6 mois au gré de nos différents stages hospitaliers, donc à 28 ans tu es passé par une ville A, B, C, D, E... sans avoir profité d'aucune puisque ta vie entière aura été consacrée aux études et au travail acharné. Alors oui, on choisit le retour à la case "grande ville" en majorité, et ce sera certainement mon cas. 

    15
    Le Poussin Profil de Le Poussin
    Jeudi 20 Octobre 2011 à 10:48

    @ Bastoche : T'es revenu ! Génial ! ça me fait super plaisir...

    Et turésumes parfaitement ma pensée sur notre migration géographique imposée pendant nos études nous empechant effectivement pendant une dizaine d'année d'avoir un  point d'ancrage pour construire sa vie privée...parce que oui nous sommes avant tout humain et nous aussi nous voulons avoir accès au bonheur et à l'équilibre d'une vie sociale harmonieuse

    Des bises mon Bastoche

     

    16
    Jeudi 20 Octobre 2011 à 21:53
    Nachu

    Je comprends vos points de vue,mais je ne vois pas la solution,sauf si les nouveaux médecins succombent aux charmes de jolis paysans ou paysannes,et s'établissent dans nos contrées perdues.

    La solution de faire venir des médecins de pays étrangers ne me satisfait qu'à moitié,personnellement cela ne me dérange pas,mais ce faisant nous privons ces pays de médecins dont ils ont besaoin.

    17
    Le Poussin Profil de Le Poussin
    Vendredi 21 Octobre 2011 à 10:56

    @ nachu : le problème ne concerne pas uniquement la population médicale...tu soulèves aussi l'attrait de la campagne des nouvelles générations qui s'amenuise d'année en année. En ce qui me concerne, la campagne j'ai connu pendant 17 ans et je me suis bien juré "plus jamais"...pour certaines spécialités comme la mienne je ne vois pas trop l'intérêt d'une installation dans les campagnes reculées. Je suis conscient en revanche qu'il faut des pédiatres dans les petites villes de province...mais c'est un choix qui doit être mûri car il n'y a malheureusement pas que le côté professionnel qui entre en jeu.

    J'aurai pu m'installer dans une petite ville de province mais je ne suis pas certain que j'aurai pu connaitre la même vie que celle que j'ai la chance de cultiver.

    18
    Dimanche 23 Octobre 2011 à 11:26

    héhé, ce n'est pas parce que je n'écris plus que je ne lis plus...

    Je trouve par ailleurs que tu soulèves très bien le problème de la formation des externes/internes lié à l'ouverture du numérus ; pour ma part je trouve que ma fac est l'exemple typique du problème : construite il y a 10 ans à une époque où il n'y avait encore que 80 places en deuxième année, les amphis craquent littéralement aujourd'hui avec les 233 places offertes, sans compter le bordel monstrueux de la "nouvelle P1" regroupant médecine, pharma, kiné, sage femme, dentaire... résultat un même cours est vidéo-retransmis dans plusieurs amphis (or il est impossible de poser des questions à un écran vidéo quand on tombe dans le "mauvais" amphi...), plusieurs promos sont exilées de la fac pour avoir cours dans les bibliothèques des CHU, à la fac de lettres, ou encore dans une caserne déaffectée.

    A l'hôpital c'est le même boxon, dans mon service nous sommes tellement nombreux que je n'ai que deux patients maximum, nous devons poser des jours de congés pour alléger les effectifs ; et pour deux semaines je suis ejecté en hôpital de jour où je ne sers à rien tout simplement parce que, dans les étages, on est beaucoup trop d'étudiants. Et grande nouveauté, ma fac oblige désormais ses externes D4 à partir en stage dans les hôpitaux de périphérie, ce qui est tout bonnement catastrophique pour préparer correctement son ECN, mais quand pour 200 étudiants le CHU n'offre que 160 postes par trimestre, il y a des sacrifiés....

    Et je ne te parle même pas des 25 gardes à totaliser obligatoirement pour valider son externat ; perso quand je vois que de septembre à décembre je n'en ai qu'une sur le planning officiel des urgences, j'ai peur qu'il soit difficile de joindre les deux bouts au mois de mai....

    Bref je ne sais pas si on peut se laisser aller à la vieille litanie du "c'était mieux avant", mais en tout cas je sais que maintenant, c'est pas vraiment bien. 

    19
    Le Poussin Profil de Le Poussin
    Dimanche 23 Octobre 2011 à 12:53

    @ bastoche : En tout cas cela me fait grand plaisir de pouvoir te lire ici même et de lire ton avis éclairé en tant qu'externe sur ce problème de surpopulation étudiante...Lorsque j'étais en P1 le numérus clausus venait juste de s'élargir et nous étions 700 étudiants inscrits dans une petite fac poitevine. Ce fut l'inauguration des videoprojections et du début d'une véritable inégalité des chances...fort heureusement mon externat fut génial car nous étions encore peu nombreux. Nous étions mieux encadrés que maintenant même si l'objectif préparation internat était loin d'être la première préoccupation de nos dirigeants...

    Je suis intimement persuadé que les gardes (ou permanence de soins...nouvel intitulé) constituent le terreau de la formation des jeunes médecins. Seulement voilà les listes ne sont guère extensibles car le budget,lui, ne suit absolument pas cette exigence de former toujours plus de médecins. Mes internes cumulent péniblement deux gardes par mois alors que j'émargeais à leur place six à sept par mois...je crains le pire pour l'avenir. paradoxalement, maintenant j'en cumule encore plus jusqu'à dix par mois car j'ai des collègues qui estiment qu'ils ne sont pas suffisamment compétents (et puis ils n'ont plus envie de passer leur nuit à l'hôpital mais c'est un autre problème...)...l'heure est grave ! Et sombre est le futur médical !

    C'était effectivement sans doute mieux avant...mais savoir s'adapter à la nouvelle donne est aussi un challenge majeur à relever.

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